The Road of Hell .

Le soleil de la supériorité scintillait, éblouissait le parfumeur comme la lumière aveugle les insectes qui veulent un jour doux ou les demis-ténèbres d’une belle nuit. Si Sharpe Buck s'était interrogé sur les dires d'autrui, on aurait pu penser qu'il existait une infime partie de lui qui soit diplomate, intelligente ou même démocrate. Mais Sharpe ne s'interrogeait en cet instant que sur ses propres dires, ce qui ne faisait qu'aggraver son cas. Il se posait des questions, sur ce qu'il disait, sur ses propres pensées, sur leur visée profonde. Ce n'était pas de l'égocentrisme, même si ça y ressemblait fort, mais simplement une remise en question permanente, une série de doutes acheminés, qu'il avait accumulés, sur tout ce chemin long et tortueux qu'on appelait la vie. Cette vie qui se jouait d'eux, sans cesse, se fichait de leur souffrance, leur riait au nez et les narguait car elle n'existait réellement que pour ses favoris. Et tout recommença dans la tête de Sharpe Buck. Il entrevit encore une fois des milliers de créatures informes, venues des cieux le dévorer, lui, insignifiant loup, être mortel et si fragile, malgré cette apparence forte et puissante qu’il se donnait. Si un soupçon de réalisme venait à percer les méandres de son esprit torturé, il s’envolait aussitôt, comme une fée volage, ou comme un trésor à portée de main mais inaccessible. Car l’esprit du mâle se résume à cela ; à ce mot si fort et si irréel à la fois : inaccessible. Même à lui, ses propres pensées lui sont interdites, l’accès à sa raison coupé, celui de ses souvenirs saturé. Pire encore, sa vision du monde, la distinction du monde réel et du monde surréaliste n’existe plus. Et que fait-il ? Comment peut-il accepter une vie pareille, infernale, sans cesse malmenée ? Il la subit sans broncher. Car il n’en connaît pas d’autre. Il n’ose imaginer vie meilleure, où le « bonheur » existe. Le bonheur n’existe pas ; il n’est que le fruit de l’interruption de la souffrance. Cette interruption, brève, rapide, parvient parfois jusqu’à Buck. Le mâle se retrouve donc pris au piège, entre sa folie qui lui crie d’en finir et son instinct qui lui commande de se battre, de continuer à avancer perpétuellement. Chaque pas de la vie, chaque avancement dans cette ignominie, c’est se rapprocher un peu plus de la mort. Et cela, c’est ce que Sharpe Buck se dit pour se rassurer. La mort, synonyme de délivrance. Chez les loups, au contraire des humains – fort heureusement d’ailleurs – la raison n’est pas la plus forte. L’instinct triomphe toujours. Il faut survivre, quoi qu’il advienne, quoi qu’il se produise.
Et, avec son regard fou, désaxé, perdu, il entrevoit un démon aux ailes d’ange passer sous son nez. Il se dit qu’enfin, la mort vient le chercher alors qu’elle commence seulement à jouer avec lui. Mais son instinct, toujours présent, le fait se battre. Il recule d’un bond, l’être maléfique se jetant à sa poursuite d’un air faussement innocent, d’un battement d’aile mielleux et angélique. Mais Buck sait, se persuade sans mal que tout n’est que supercherie. Puis, de son regard s’ôte ce voile opaque et dévoile au peu de jugeote qu’il lui reste la vérité : l’être maléfique, le démon sanguinaire n’était qu’un simple papillon. Un craquement soudain, digne de sortir tout droit des enfers, le replonge dans son monde fait de douleur et d’illusions. Il sent ses poils se hérisser sur son échine, ses babines se retrousser pour intimider cet adversaire invisible qui se joue de lui. Mais, face à une créature envoyée par Satan, a-t-il la moindre chance d’en réchapper ? Il sait que, face à une telle force, ses grondements dérisoires sont vains. Et il se sait irrémédiablement perdu.

« C'est avec une lenteur atroce qu'ils se mouvaient. Ils s'approchaient, tels des rêves tissés d'horreur et de peur, de toi, fort loup d'une bien faible espèce. Leur terrible haleine nauséabonde empestait. Quelques odeurs de renfermé, de pourriture, de chair moisie, aussi. Leurs visages, tordus de douleur, semblaient prêts à te vomir dessus. Ils étaient deux, aussi immondes que des excréments des monstres de l'enfer. Mais,que vois-je ? Tu trembles de peur ? Ou de colère ? Tu as peur, non ? Tu devrais mon pauvre. Tu es sans aucun doute incapable face à eux. Ils t'observent avec leurs deux yeux blancs, vides, profondément incrustés dans leurs orbites, mais tu ne peux les voir. Ils sont cachés, quelque part partout. Mais, nous ne saurions jamais pourquoi, ils se révélèrent, laissent les rayons de lumière transpercer, non sans leur arracher des cris de torture, leurs corps squelettiques. Ils avançaient, plus raides encore que la mort elle-même. Ils avaient faim, faim de vengeance envers ceux qui ont troublé leur profond sommeil. La gueule ouverte, dégoulinante de bave épaisse, ils s'approchaient de toi, ils rêvaient de manger ton cœur. Comment réagiras-tu devant ce qui effraye le plus les gens qui t'entourent ? Dis le moi, je veux te l'entendre dire. Aurais-tu peur, Sharpe Buck ? Ils semblent bien invincibles... »

Il avançait, de plus en plus, à travers la brume, tel un fantôme. Sa corpulence impressionnante et sa démarche famélique entraînait le brouillard avec lui. Elle l’enveloppait, l’emprisonnant de son corps nébuleux. Troublé parfois, il exprimait son dérangement par des faibles grognements accompagnés d’une expression de mépris. Mépris qui revient si souvent sur son visage. Son visage agressif, menaçant, mais si abattu. Il souffrait, chaque jour, chaque seconde qui suivant. Et pourtant, il n’avait pas la moindre idée du pourquoi. Pourquoi est-il si inexpressif, dérangé, délaissé ? Son destin l’avait lui-même négligé. Mais il vivait avec. Dans son monde à lui, vaste et troublé de brume et rocailleux. Il ne savait jamais vraiment où il allait, ni pourquoi, ni comment, ni sur quoi il allait tomber. Mais son monde n’était pas si loin de la réalité. La lune avait laissé place au soleil, ce matin, son pire rival. Ils profitaient tout deux du temps qu’ils avaient pour être préféré des êtres vivants. Un combat sans fin, mais toutefois inutile. Le ciel avait prit des teintes orangées, azur, pêche. L’astre lumineux avait beau essayer de nous bombarder de ses rayons, la forêt ne faisait qu’ombre, ténèbres. Si vous cherchez dans un dictionnaire de synonymes, vous verrez plusieurs équivalents de la pénombre. Chimère, fantôme, farfadet, spectre. Ce mot revenait-il toujours, alors ? Hélas, oui. Le loup sombre approchait peu à peu d’un cerisier. C’est un bien grand mot, car l’on imagine un bel arbre jeune et vermeille offrait des cerises à volonté sous la bienveillance du soleil. Mais c’en était très loin. Il paraissait mort, abattu, moisi, et ce qui l’entourait ne faisait que renforcer l’aspect miséreux. Un vaste terrain bosselé, inhabité, si ce n’est que la brume flottante. Zombie – tel était son nom – venait d’entrer dans le rayon de l’arbre. Épuisé, son souffle chaud traçait un chemin, et son corps massif s’écroula à terre. Mais il n’avait pas le temps de se reposer. Pas encore. Bientôt, une effluve tellement désagréable qu’elle donnait envie de vomir vint titiller ses narines. Mépris, dégoût.

( c'est court, désolé :/ )

Reality Or Illusions?

Le brouillard tombait peu à peu sur la forêt autour du grand mâle au pelage acier. Les cerises de l'arbre, revêtues d'un rouge terne, n'étaient plus visibles à l'œil de Buck qui n'était pourtant qu'à quelques mètres de l'arbre rabougri et courbé. Une feuille voltigea près de lui, il la sentit et sursauta, sans pour autant la voir. Ses yeux restèrent fixés dans la brume, comme s'il pouvait encore y voir quelque chose. Son esprit savait pourtant qu'il était impossible d'y apercevoir quoi que ce soit mais il tentait tout de même car, que regarder d'autre que ce manteau opaque et brumeux ? Les pattes de Buck fourmillaient tant son instinct lui hurlait d'une voix tonitruante de s'enfuir, de courir ailleurs qu'en ce lieu ignoble et si apeurant pour n'importe quel être vivant. Les oiseaux s'étaient tus, pas un bruit ne se faisait percevoir. Les muscles tendus, le grand mâle attendait. Attendait quoi ? Attendait-il que des êtres horribles et monstrueux, d'une laideur affreuse et dont l'âme était si noire qu'elle en devenait indiscernable viennent le torturer, lui faire pousser mille cris de douleur ? Attendait-il une mort certaine ? Puis, comme dans un de ces films à sensations fortes que les Bipèdes s'amusaient à regarder sans relâche, tout s'accéléra brusquement et le silence devint soudain vacarme. Un souffle fantomatique, une sorte de râle poussé comme par une âme mourante parvint jusqu'aux oreilles de Sharpe Buck. Son cœur bondit dans sa poitrine et il se sentit rapetisser, se ratatiner sur lui-même dans la peur de l'instant. Puis, émergeant des brumes sinistres, deux créatures se suivant lui firent face. Jamais les hallucinations du gris n'avaient été aussi réelles. Il sentit la peur se refermer sur son cœur, l'emprisonner. Mais il savait que s'il cédait à sa peur dans ses hallucinations, il en mourrait tôt ou tard. Alors, croyant toujours que son esprit lui jouait des tours, il se redressa et bomba le poitrail d'un air fier et conquérant. Ils ne lui faisait pas peur. Quels que soient ces êtres abominables, il ne leur cèderait pas une parcelle de terrain, cette fois. Il parvint étonnamment bien à garder son calme. Mais lorsqu'il sentit des mains crochues de glace se renfermer sur son âme, la tirer vers les êtres petit à petit, lentement, la peur panique le reprit en étau. Sentir son âme le quitter, partir vers la bouche dénué de crocs de ces êtres est une chose terrifiante. Il réagit presque trop tard. Son air béat le quitta instantanément et le visage angélique des choses se mua en un cri atroce, lui vrillant affreusement les tympans dans un ultrason trop aiguë pour qu'il puisse le supporter. Il s'élança dans la brume, à toute vitesse, les créatures des enfers à ses trousses. Il chercha de ses yeux fous une issue, un lieu où se réfugier mais il les voyait partout ; lui bloquant tantôt la route, volant ensuite derrière lui ou galopant près de lui. Il tendaient leurs bras ensanglantés vers lui avec des sifflements terrifiants. Dans la brume, ils disparurent de sa vue quelques instants. Buck se sentit heurter quelque chose de poilu, de chaud. Il tomba. Il se releva presque aussitôt, l'idée que les monstres puissent le rattraper le taraudant. La brume s'espaça un peu et le grand gris, les yeux fous et injectés de sang, vit qu'il avait heurté un autre loup. Alors, dans la hâte de l'action et dans la peur qui lui étreignait le cœur, il prononça des paroles dénués de sens pour l'autre loup, acheminées les unes derrières les autres avec précipitation.

« Ils me poursuivent ! Ils vont nous attraper, nous vider de nos entrailles, de notre sang, ils vont nous arracher nos âmes ! Fuyez, fuyez ! VITE ! »

( C'est pas grave je t'ai dit Désolé, j'ai fait un peu trop long mais j'ai eu une vague d'inspiration. Je peux raccourcir, si vraiment tu n'y arrives pas :/ )